La mise en scène du Martyre de saint Sébastien, de La Pisanelle et de Phèdre à travers Cabiria
Le théâtre français de Gabriele d’Annunzio, en grande partie élaboré et représenté pendant ses années françaises (1910-1915), doit beaucoup à l’art décoratif de Léon Bakst. L’artiste russe, à son tour, tire en grande partie sa force créatrice des indications de d’Annunzio. Le langage figuratif bakstien veut susciter chez les spectateurs une profonde tension émotive et provoquer une vision féerique, grâce au dégradé chromatique de la lumière et au travail extraordinaire que Bakst accomplit sur les ombres et les pénombres. Cependant, il ne s’agit pas simplement d’un « théâtre de la couleur ». La chronologie de la composition des pièces – Phèdre (1909), Le Martyre de saint Sébastien (1911), La Pisanelle (1913) – montre que le théâtre français de d’Annunzio représente trois civilisations : le monde grec, le monde romain et le Moyen Âge. C’est un théâtre axé sur l’inconscient collectif, qui, dans le sillage de Wagner, se sert d’un langage et d’un style originaux, situés entre l’impressionnisme et l’expressionnisme. Le théâtre français de d’Annunzio annonce un art nouveau, qui trouve sa première application dans le spectacle futuriste de Balla, Depero et Ricciardi. Le langage figuratif de ce théâtre invite le spectateur à retrouver ses racines, à redécouvrir l’authenticité et la pureté originelle des émotions. Par son travail Bakst a su rendre plastiquement l’esthétique du merveilleux et du tragique où alternent émotions visuelles et sensations émotives. Les rapports entre le théâtre de d’Annunzio et son cinéma sont étudiés grâce à l’analyse du film Cabiria (1914), solidaire de son théâtre français.